Le geste et la voix de Delphine Seyrig : je lui ai tenu la porte d’un amphithéâtre où elle entrait pour une conférence, et elle m’a dit merci de sa voix de cinéma. J’étais étudiant ; je suivais les cours d’esthétique de Roger Garaudy, alors auréolé de son exclusion du Parti communiste (il faisait des cours extraordinaires, et j’ai été affecté de sa dérive négationniste, comme d’une trahison personnelle : je m’explique l’étrange cohérence de son parcours par le besoin de croire, doublé d’un besoin radical d’agir: croire à l’idéal communiste, puis à la foi catholique, puis à la foi musulmane, jusqu’à soutenir l’insoutenable). Il avait invité Delphine Seyrig à participer à l’un de ses cours sur le cinéma. Portait-elle son fume-cigarette, ou est-ce que j’ai recomposé l’image ? Sa voix publique qui me dit merci à moi seul me faisait entrer dans l’univers imaginaire de ses rôles. Visitant le cimetière Montparnasse après avoir repeint la tombe de Maupassant, en juillet 2012, je trouve sa tombe, belle et simple comme elle, d’une pierre ocre. La tombe à côté de la sienne fait l’objet d’une « reprise » : en d’autre terme, elle est à louer. Vivre son éternité à côté d’une femme qu’on a croisée une fois dans sa vie.
